Pons asinorum (Pont aux ânes)

« Dieu toujours fait de la géométrie. » — Platon

Dans le plan euclidien, un triangle ABC est dit isocèle en A lorsque AB=AC, c’est-à-dire lorsque les côtés [AB] et [AC] ont la même longueur. Le présent article présente une preuve de la proposition suivante:

Proposition 1. Dans le plan euclidien, un triangle ABC est isocèle en A si et seulement si les angles \widehat{ABC} et \widehat{ACB} sont congruents, c’est-à-dire ont la même mesure.

Cette proposition est souvent appelée pont aux ânes (pons asinorum en latin). Une manière sans doute de suggérer que tout aspirant mathématicien doit en avoir la maîtrise. Elle est en tout cas l’une des toutes premières propositions du premier livre des Éléments d’Euclide. Et il est instructif d’apprendre à la démontrer, à notre sens.

isocele

La preuve proposée ici s’appuie principalement sur quatre résultats :

  • un axiome relatif à la congruence des angles (axiome 2),
  • la troisième loi de congruence pour les triangles,
  • la caractérisation de la médiatrice des segments (proposition 3),
  • une conséquence du cinquième postulat d’Euclide (proposition 4).

Dans un souci de simplification, la relation de congruence est symbolisée ici par \sim.

Axiome 2. Dans le plan euclidien, soient O et P des points distincts, puis \widehat{P^{\prime}O^{\prime}Q^{\prime}} un angle. Alors, dans chaque demi-plan de frontière (OP), il existe une unique demi-droite [OQ), d’origine O, telle que \widehat{POQ}\sim \widehat{P^{\prime}O^{\prime}Q^{\prime}}.

Troisième loi de congruence. Soient ABC et A^{\prime}B^{\prime}C^{\prime} des triangles dans le plan euclidien tels que

\displaystyle AB=A^{\prime}B^{\prime}, \qquad AC=A^{\prime}C^{\prime} \qquad\text{ et }\qquad BC=B^{\prime}C^{\prime}.

Alors

\displaystyle \widehat{BAC}\sim\widehat{B^{\prime}A^{\prime}C^{\prime}}, \qquad \widehat{ABC}\sim\widehat{A^{\prime}B^{\prime}C^{\prime}} \qquad\text{ et }\qquad \widehat{ACB}\sim\widehat{A^{\prime}C^{\prime}B^{\prime}},

Autrement dit, si les côtés de deux triangles sont deux à deux égaux, alors les angles correspondants sont deux à deux congruents.

Proposition 3. Dans le plan euclidien, un point M appartient à la médiatrice d’un segment [AB] si et seulement si MA=MB.

Proposition 4. Dans le plan euclidien, soient A et B points distincts, puis C et D des points contenus dans le même demi-plan ouvert de frontière (AB). Si l’angle \widehat{BAC} est droit et si l’angle \widehat{ACD} est aigu, alors les demi-droites [AC) et [BD) se coupent en un point.

Preuve de la proposition 1.

Tout d’abord, soit ABC un triangle isocèle en $\latex A$. Alors, par définition, AB=AC. Du reste, IB=IC, si I désigne le milieu du segment [BC]. Tout compte fait,

\displaystyle AB=AC, \qquad AI=AI \qquad\text{ et }\qquad BI=CI.

Cependant, ABI et ACI sont des triangles. Eu égard à la troisième loi de congruence, il en résulte que \widehat{ABI}\sim\widehat{ACI}. Or,

\displaystyle \widehat{ABI}=\widehat{ABC} \qquad\text{ et }\qquad \widehat{ACI}=\widehat{ACB}.

Par conséquent, \widehat{ABC}\sim\widehat{ACB}.

Maintenant, soit ABC un triangle vérifiant \widehat{ABC}\sim\widehat{ACB}. Alors, les angles \widehat{ABC} et \widehat{ACB} sont aigus. Du reste, la médiatrice du segment [BC] coupe la demi-droite [BA); le contraire dédirait en effet la proposition 4. Le milieu du segment [BC] étant désigné par  I, il existe donc un unique point M\in[BA) tel que la doite (IM) soit la médiatrice du segment [BC]. Ainsi, MB=MC, selon la proposition 3. En outre, la première partie de cette preuve induit

\displaystyle \widehat{ABC}= \widehat{MBC}\sim\widehat{MCB},

puisque MBC est un triangle isocèle en M. Or, d’après l’axiome 2, dans le demi-plan de fontière (BC), la demi-droite [CA) est l’unique satisfaisant

\displaystyle \widehat{ABC}\sim\widehat{ACB}.

Par conséquent, [CM)=[CA). De ce fait,

\displaystyle M\in[BM)\cap[CM)=[BA)\cap[CA)=\{A\}.

D’où M=A et AB=AC. Le triangle ABC est donc isocèle en A. La Proposition 1 est ainsi prouvée.

La relation de congruence est au cœur de cette preuve. Elle est traitée avec soin dans le Volume I du Discours formel sur les mathématiques pour le secondaire, qui propose une exposition pointilleuse sur la géométrie du plan euclidien. L’ouvrage, Du point à l’Espace, présente par ailleurs une introduction à la géométrie euclidienne, dans une perspective plus générale, au-delà du plan.

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